Marmas : les points reflex ayurvediques
Savez vous que la peau est l’organe le plus vaste et lourd du corps ? Son rôle dans le bien être global est essentiel puisque c’est aussi l’organe de la proprioception, autrement dit le procédé par lequel l’humain arrive à se situer dans l’espace et à la sensation de lui même. C’est à travers la peau et son infinité de capteurs sensoriels qui délimitent le corps que nous percevons notre sentiment d’existence, d’incarnation et d’ancrage.
Nous allons parler des points reflex ayurvediques appelés traditionnellement marmas. Selon le principe similaire que celui des points reflex du système chinois, les marmas relient des organes et des systèmes du corps physique aux nadis ou srotas (réseaux des canaux énergétiques) et les chakras, nos centres d’énergie, nos émotions et pensées. Les marmas proposent un système complexe d’agir sur les énergies pour « réparer » le corps, le détendre et nourrir en prana.
Anatomie subtile ayurvédique
Pour mieux comprendre le lien entre les points marmas et notre équilibre psychique, il est important de prendre en considération que l’anatomie ayurvédique décrit l’existence de trois corps :
le corps physique : sthula sharira
le corps subtil : sukshma sharira
le corps spirituel ou causal, l’atman ou l’âme : karana sharira
On y toruve 5 couches appellés en sanskrit koshas :
Anna-maya kosha ou l’enveloppe « de la nourriture », de « matériaux de construction », rattachée au corps physique
Prana-maya kosha ou l’enveloppe de la respiration et l’énergie prana, rattachée au corps subtil
Mano-maya kosha ou l’enveloppe mentale, rattachée au corps subtil
Vijnana-maya kosha ou l’enveloppe de l’intellect, du discernement ou celle de l’intuition, rattachée au corps subtil
Ananda-maya kosha ou l’enveloppe de la félicité, le corps causal, karana sharira ou l’atman
Que signifie marma ?
Le mot marma est d’origine sanskrite et signifie « caché » ou « secret ». Ils pointent sur des zones sensibles et peuvent servir à établir des diagnostics, à traiter des maladies ou à améliorer la santé de manière générale.
Médecin mythique Charaka parle des marmas dans Charaka Samhita (6ème siècle av. JC) comme des emplacements où se trouvent des muscles, des veines, des ligaments, des os et des articulations en même temps ou au moins certains de ces types de tissus.
Dans la science Marma Vidya les points marmas sont rangés en six catégories selon leur croisement dans le corps :
Mamsa marma : points sur la peau et dans les muscles
Asthi marma : points des os
Snayu marma : points des tendons
Dhamani marma : points des nerfs
Sandhi marma : points des articulations
Sira marma : points des veines
La plupart des points marma sont relativement larges en taille et donc facile à trouver. C’est là une grosse différence avec l’acupuncture qui va aller traiter des points avec des aiguilles.
Les pratiquants des arts martiaux traditionnels du Kerala (le sud de l’Inde), comme le Kalari Payat ou le Varma Kalai ont identifié 107 points vitaux dans le corps humain. Les adeptes de ces techniques prétendaient pouvoir neutraliser un adversaire en exerçant une pression ou un choc sur certains de ces points. Un des tout premiers témoignages de l’existence de ces points remonte au Rig Veda. Le texte parle de la nécessité de couvrir le corps avec le varma (armure subtile) pour protéger les points marma. Les prières et les mantras constituent les meilleures armures pour ce but, en sachant que les arts martiaux védiques se pratiquent toujours seulement en short.
Le chirurgien Sushruta au (5ème siècle av.JC) parles également des 107 points vitaux dans son ouvrage ayurvedique Sushruta Samhita. Il précise que les points marma ne sont pas seulement des points d’intersections, mais les points de concentrations des énergies des trois doshas : vata (l’association d’air avec l’éther), pitta (association d’eau avec le feu), kapha (l’association d’eau avec la terre). Ce sont ces doshas, les humeurs du corps et du mental qui déterminent la constitution ayurvedique d’une personne que l’on appelle la Prakriti. Les marmas révèlent également les endroits de concentration des formes subtiles des doshas : le prana (la vitalité), le tejas (l’énergie) et l’ojas (l’immunité).
Les principaux marmas
16 canaux énergétiques et leurs marmas
Les canaux énergétiques s’appellent en sanskrit srotas. Chacun d’eux gère un système ou fonction de notre corps physique et subtil. En stimulant les points marmas correspondants à ces fonctions nous purifions et nourrissons les srotas et les processus relatifs dans nos systèmes.
Marmas dans l’Ayurveda
Il est bon de se rappeler la définition de la santé selon l’Ayurvéda :
Les 3 dosha (humeurs du corps et du mental) sont en équilibre
Les 7 dhatu (tissus) ont suffisamment d’énergie
Agni (le feu digestif) fonctionne bien
Les malas : bonne éliminations de purisha (selles), mutra (urine) et prasveda (sueur) fonctionnent bien
L’affectif dans la joie
Le mental : calme et paisible
L’âme dans son état d’Ananda ou de béatitude, de conscience de la vérité
Pour un médecin ayurvédique travailler avec des points marmas dans un but thérapeutique c’est d’abord connaître l’état des dhatus (7 niveaux de tissus) de son patient. Des toxines physiques, du stress et des émotions négatives s’implantent dans des sites des marmas et y restent parfois pendant des années. La maladie se manifeste sous forme de douleur, de blocage ou d’enflure dans ces zones même avant de se révéler par tous les symptômes caractéristiques de l’affection. Le médecin ayurvédique palpe les marmas, ce qui fait partie de l’examen, il y trouve une mine de renseignements.
Ensuite en fonction du diagnostic, il s’agit d’entrainer le flux d’énergie vitale le long des canaux d’énergie. Les marmas sont des sortes d’interrupteurs praniques qu’on peut utiliser pour accroître ou diminuer le prana, ou encore pour le faire circuler ou pour interrompre son flux dans des endroits nécessaires. Ce travail peut s’effectuer par pression du point marma : des mouvements dans le sens des aiguilles d’une montre pour tonifier ou renforcer les organes internes et les tissus alors que des mouvements dans l’autre sens : pour réduire les doshas en excès ou detoxifier. Le premier mouvement stimule le point et le deuxième élimine l’énergie bloquée. Un bon thérapeute peut guider le prana du marma lui même dans toute dans sa zone chez le patient.
La médecine ayurvédique est bien entendu une médecine curative mais aussi et surtout une médecine préventive : on vient recevoir un marma- massage quand on est en bonne santé pour renforcer ses défenses immunitaires, vérifier que le prana circule bien notamment au regard de notre deuxième cerveau (le ventre) pour le feu digestif.
Méthodes de stimulation des marmas
Parler de Marmathérapie, c’est savoir qu’il existe une grande variété de méthodes d’agir sur ces points magiques :
1. Mardana : acupression
2. Abhyanga : massage à l’huile
3. Aromathérapie : soins avec des huiles essentielles
4. Lepa : application de pate de plantes médicinales
5. Ksharakarma : application des alcalis végétaux ou de substances caustiques autour des points marmas
6. Agnikarma : moxibustion, action avec de la chaleur (par exemple appliquer des brosses, des spatules chauffées, ou porter un bâton d’encens près du marma)
7. Siravedha : scarification des vaisseaux et la saignée
8. Suchikarma : acupuncture
9. Asanas (pratique des postures yogiques)
10. Soins énergétiques
11. Pranayama : exercices respiratoires yogiques avec la concentration sur un marna
12. Mantras : travail sonore avec la concentration sur un marma
13. Dharana : visualisation concentrée d’une image ou d’un symbole placé dans un marma
Marmas dans le Yoga postural
Les sciences de Yoga, d’Ayurveda et de Marmathérapie sont enchevetré et se référent les unes aux autres. L’effet thérapeutique de la pratique posturale est de plus en plus reconnu aujourd’hui en Occident. Il s’avère que certaines asanas yogiques (postures) quand elles sont correctement faites stimulent les points et zones marmas.
Par exemple :
Padmasana / Posture de Lotus : Kshipra, Tala hridaya, Kurca, Kurcasira, Gulpha, Janu, Guda Basti
Gomukhasana / Tete de vache : Ansaphalaka, Amsa, Brihati Shirah
Sarvangasana et Halasana / Chandelle et Charrue: Ansaphalaka, Amsa, Brihati Shirah, Parsvasandhi, Hridaya, Stanamula, Stanyarohita, Apalapa, Krikatika
Matsyasana / Poisson : Kakshadhara, Vitapa, Lohitaksha, Basti, Nabhi, Krikatika, Adhipati, Simanta
Ardha Matsyendrasana / Torsion assise : Lohitaksha, Basti, Nabhi
Bhujangasana / Cobra : Kakshadhara, Vitapa, Lohitaksha, Basti, Nabhi
Paschimottanasana / Pince : Nabhi, Urvi, Ani, Janu, Indrabasti, Gulpha
Purusha et Prakriti
Selon la philosophie de Samkhya tout comme notre atman ou jiva (âme individuel) ne fait qu’un avec Purusha (la Pure Conscience Divine) nos corps physique et subtile (sthula sharira et sukshma sharira) suivent les lois et s’unissent avec la Prakriti (la Nature de l’Univers). Pour réaliser notre Soi Supérieur et notre liberté spirituelle (Purusha) il est absolument indispensable d’harmoniser la Nature manifesté en nous (Prakriti). C’est dans cette perspective que la pratique si ancienne et puissante que Marmathérapie peut être perçue comme une pratique d’harmonisation spirituelle.
Préparé par Luc Bertrand-Hardy
Ouvrages utilisés :
Ayurvéda et marmathérapie – Les points d’énergie dans la médecine ayurvédique de David Frawley